0 10 minutes 2 ans

𝗟𝗲 𝗦𝗼𝗹𝗲𝗶𝗹 𝗱𝗲𝘀 𝗶𝗻𝗱é𝗽𝗲𝗻𝗱𝗮𝗻𝗰𝗲𝘀

I Introduction

Les Soleil des indépendances est l’illustration parfaite de la crise sociale qui affecte le groupe Malinké. Les Malinkés détenaient les pouvoirs politique et économique de tout le Horodougou jusqu’à l’arrivée des français. L’implantation de la colonisation avec ses corollaires entraînera la ruine des représentants Malinkés. Il s’est posé dès lors des querelles entre les nouveaux et les anciens dirigeants.

Le roman présente des éléments autobiographiques, Kourouma lui-même est un prince malinké par ses origines. Aussi a-t-il pu s’inspirer de sa vie pour composer le personnage de Fama. Ainsi ressemblait-il beaucoup à Fama et Balla, autres personnages authentiques du roman. Les éléments de la réalité sont très présents dans le texte, et il s’y ajoute des éléments historiques.

 

II. Résumé et composition de l’œuvre

 

1. Résumé

Fama, prince malinké, dernier descendant et chef traditionnel des Doumbouya du Horodougou, n’a pas été épargné par le vent des indépendances, même du fait de son statut. Habitué à l’opulence, les indépendances lui ont légué pour seul héritage l’indigence et le malheur, une carte d’identité nationale et celle du parti unique. Parti vivre avec sa femme Salimata loin du pays de ses aïeux, Fama en quête d’aumône, se verra obligé d’arpenter les différentes funérailles afin d’assurer son quotidien. Bien qu’incapable de lui donner une progéniture pour perpétuer le règne des Doumbouya, celle-ci s’adonnera corps et âme au petit commerce afin de faire vivre son ménage. Excisée puis violée dans sa jeunesse par le marabout féticheur Tiécoura, elle gardera à jamais le souvenir atroce de ses moments où elle a souffert. Quelques temps après, à la mort de son cousin Lacina, Fama devait lui succéder sur le trône de la capitale de Nikitaï, Togobala. Son retour lui fait découvrir son histoire, la gloire de sa lignée et de son insignifiant héritage, pour une dynastie naguère riche, prospère et respectée. Malheureusement, les indépendances bouleversèrent tout, au système politique et à la chefferie. Fama décida toutefois de vivre en République des Ebènes en compagnie de sa seconde épouse Mariam qui est legs de son cousin Lacina. Malgré les conseil du féticheur et esclave affranchi Balla, Fama se mit en route pour la République durant une instabilité politique. Accusé de complot visant à assassiner le Président et de renverser le régime, il fut arrêté puis enfermé avant d’être jugé. Condamné à vingt ans puis libéré dans la dignité totale d’un homme libre que s’éteignit avec Fama toute une dynastie et son histoire.

 

2. composition

Le roman s’articule autour de trois parties. La première s’étend sur deux chapitres, la seconde sur cinq et la troisième. L’articulation de l’ensemble est assurée par les retours en arrière, les ellipses et les anticipations, ponctués de vrais âges.

 

III. Les thèmes

 

1. La ville et le village

La description de la ville laisse transparaître la volonté d’opposer symboliquement la condition des Noirs et celle des Blancs. D’un côté nous avons l’opulence des bâtiments en bétons, de l’autre la pauvreté des cases. Le village de Togobala constitue pour Fama le lieu des survivances des coutumes et des traditions, le lieu du souvenir et du retour aux sources. Mais durant cette période des indépendances, le village n’offre pas d’espoir ni de perspective, aussi Fama préférera retourner en ville.

 

2. La stérilité

La stérilité est brossée dans le texte à travers le couple Salimata Fama, mais cette idée dépasse le couple et s’étend à la tribu, au pays, au monde malinké. Elle symbolise l’improductivité et l’incapacité à assurer la relève et la conservation d’une certaine espèce.

 

3. Les traditions et les croyances

La nuit est présentée comme chargée de misère, et les hommes sont attentifs aux comportements des animaux. La mort est considérée comme un passage dans l’invisible. Les exigences morales sont aussi évoquées à l’humanisme, la paternité, la solidarité, l’hospitalité mais aussi le devoir de procréer qui concerne aussi bien l’homme que la femme.

 

4. La religion

La religion musulmane et les pratiques animistes se côtoient, se chevauchent quand il s’agit de conjurer un mauvais sort ou de demander une faveur à Dieu ou aux puissances occultes de l’au-delà. C’est ce qui explique la présence de Balla et de Tiécoura à côté des pieux Diamourou et Fama. La synthèse est quand bien même réalisée par Fama.

 

5. L’excision

L’épreuve délicate et douloureuse est à la base de toutes les souffrances de Salimata. Dans sa description, le narrateur relate à la fois les questions, les significations, l’atmosphère et la personnalité de celle qui opère sans oublier les chants traditionnels et les lamentations des exciseuses.

 

6. Les indépendances

Le roman dit la déception des malinkés qui se retrouvent par des prestiges politiques perdues à cause de la colonisation. C’est ainsi l’apparition d’une nouvelle classe politique qui rejette la classe politique traditionnelle, c’est le régime des fils esclaves.

 

7. La bâtardise

L’idée de bâtardise parcourt tout le roman, on la retrouve dans le délire final de Fama comme dernière insulte. Elle prend cette signification variée qui se ramène à l’idée d’authenticité et de légitimité que Fama porte en lui. D’ailleurs, selon son aigri (mécontent) qui ne comprend pas que les choses soient finies et qu’elles ne reviendront plus.

 

IV Le Style

 

En pliant la langue française aux exigences de la pensée et des structures linguistiques des Malinkés, Kourouma a donné à son récit une vigueur et un relief saisissant. Tandis que les uns criaient au scandale, d’autres étaient séduits par l’originalité de l’auteur. Dès lors, il devient adéquat de comparer le récit dans l’univers malinké : « Je n’arrivai pas à exprimer Fama de l’intérieur et c’est alors que j’ai essayé de le trouver dans le style malinké. Je réfléchissais en Malinké, je me mettais dans la peau de Fama pour présenter la chose », dit Ahmadou Kourouma.

En effet, l’auteur a volontairement tordu le cou à la langue française pour mieux ressortir ses idées. C’est ce qui explique la prédominance d’expressions typiquement malinké dans l’œuvre. Et le nombre de métaphore, d’images et formules purement malinkés confèrent au roman sa couleur locale et son originalité.

 

V. Signification de l’œuvre

 

Les Soleils des indépendances connote la déchéance physique et morale, la misère, voire les déceptions nées des indépendances. Ce nouveau monde annoncé comme période de libération et de faste apparaît comme la négation d’un univers authentique, traditionnel. Cette œuvre symbolise la désillusion découlant de l’autonomie. Plus encore, le roman devient un violent réquisitoire, un procès contre les indépendances.

 

Conclusion

 

Dans ce roman, aux allures tragiques (s’ouvrant sur une scène de funérailles et clôt par la disparition du héros), on pourra lire l’image d’une Afrique meurtris, fantôme marquée par une période de transition qui fut pour beaucoup une époque de déception. L’Afrique y est peinte sous les traits d’une résistante aux agressions de la dictature, avec de graves désordres engendrés par l’époque des indépendances. Mais le sort est loin d’être jeté. Et comme Salimata qui refuse la résignation, l’Afrique doit relever le défi d’une réelle indépendance.