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I Introduction
Les Soleil des indĂ©pendances est lâillustration parfaite de la crise sociale qui affecte le groupe MalinkĂ©. Les MalinkĂ©s dĂ©tenaient les pouvoirs politique et Ă©conomique de tout le Horodougou jusquâĂ lâarrivĂ©e des français. Lâimplantation de la colonisation avec ses corollaires entraĂźnera la ruine des reprĂ©sentants MalinkĂ©s. Il sâest posĂ© dĂšs lors des querelles entre les nouveaux et les anciens dirigeants.
Le roman prĂ©sente des Ă©lĂ©ments autobiographiques, Kourouma lui-mĂȘme est un prince malinkĂ© par ses origines. Aussi a-t-il pu sâinspirer de sa vie pour composer le personnage de Fama. Ainsi ressemblait-il beaucoup Ă Fama et Balla, autres personnages authentiques du roman. Les Ă©lĂ©ments de la rĂ©alitĂ© sont trĂšs prĂ©sents dans le texte, et il sây ajoute des Ă©lĂ©ments historiques.
II. RĂ©sumĂ© et composition de lâĆuvre
1. Résumé
Fama, prince malinkĂ©, dernier descendant et chef traditionnel des Doumbouya du Horodougou, nâa pas Ă©tĂ© Ă©pargnĂ© par le vent des indĂ©pendances, mĂȘme du fait de son statut. HabituĂ© Ă lâopulence, les indĂ©pendances lui ont lĂ©guĂ© pour seul hĂ©ritage lâindigence et le malheur, une carte dâidentitĂ© nationale et celle du parti unique. Parti vivre avec sa femme Salimata loin du pays de ses aĂŻeux, Fama en quĂȘte dâaumĂŽne, se verra obligĂ© dâarpenter les diffĂ©rentes funĂ©railles afin dâassurer son quotidien. Bien quâincapable de lui donner une progĂ©niture pour perpĂ©tuer le rĂšgne des Doumbouya, celle-ci sâadonnera corps et Ăąme au petit commerce afin de faire vivre son mĂ©nage. ExcisĂ©e puis violĂ©e dans sa jeunesse par le marabout fĂ©ticheur TiĂ©coura, elle gardera Ă jamais le souvenir atroce de ses moments oĂč elle a souffert. Quelques temps aprĂšs, Ă la mort de son cousin Lacina, Fama devait lui succĂ©der sur le trĂŽne de la capitale de NikitaĂŻ, Togobala. Son retour lui fait dĂ©couvrir son histoire, la gloire de sa lignĂ©e et de son insignifiant hĂ©ritage, pour une dynastie naguĂšre riche, prospĂšre et respectĂ©e. Malheureusement, les indĂ©pendances bouleversĂšrent tout, au systĂšme politique et Ă la chefferie. Fama dĂ©cida toutefois de vivre en RĂ©publique des EbĂšnes en compagnie de sa seconde Ă©pouse Mariam qui est legs de son cousin Lacina. MalgrĂ© les conseil du fĂ©ticheur et esclave affranchi Balla, Fama se mit en route pour la RĂ©publique durant une instabilitĂ© politique. AccusĂ© de complot visant Ă assassiner le PrĂ©sident et de renverser le rĂ©gime, il fut arrĂȘtĂ© puis enfermĂ© avant dâĂȘtre jugĂ©. CondamnĂ© Ă vingt ans puis libĂ©rĂ© dans la dignitĂ© totale dâun homme libre que sâĂ©teignit avec Fama toute une dynastie et son histoire.
2. composition
Le roman sâarticule autour de trois parties. La premiĂšre sâĂ©tend sur deux chapitres, la seconde sur cinq et la troisiĂšme. Lâarticulation de lâensemble est assurĂ©e par les retours en arriĂšre, les ellipses et les anticipations, ponctuĂ©s de vrais Ăąges.
III. Les thĂšmes
1. La ville et le village
La description de la ville laisse transparaĂźtre la volontĂ© dâopposer symboliquement la condition des Noirs et celle des Blancs. Dâun cĂŽtĂ© nous avons lâopulence des bĂątiments en bĂ©tons, de lâautre la pauvretĂ© des cases. Le village de Togobala constitue pour Fama le lieu des survivances des coutumes et des traditions, le lieu du souvenir et du retour aux sources. Mais durant cette pĂ©riode des indĂ©pendances, le village nâoffre pas dâespoir ni de perspective, aussi Fama prĂ©fĂ©rera retourner en ville.
2. La stérilité
La stĂ©rilitĂ© est brossĂ©e dans le texte Ă travers le couple Salimata Fama, mais cette idĂ©e dĂ©passe le couple et sâĂ©tend Ă la tribu, au pays, au monde malinkĂ©. Elle symbolise lâimproductivitĂ© et lâincapacitĂ© Ă assurer la relĂšve et la conservation dâune certaine espĂšce.
3. Les traditions et les croyances
La nuit est prĂ©sentĂ©e comme chargĂ©e de misĂšre, et les hommes sont attentifs aux comportements des animaux. La mort est considĂ©rĂ©e comme un passage dans lâinvisible. Les exigences morales sont aussi Ă©voquĂ©es Ă lâhumanisme, la paternitĂ©, la solidaritĂ©, lâhospitalitĂ© mais aussi le devoir de procrĂ©er qui concerne aussi bien lâhomme que la femme.
4. La religion
La religion musulmane et les pratiques animistes se cĂŽtoient, se chevauchent quand il sâagit de conjurer un mauvais sort ou de demander une faveur Ă Dieu ou aux puissances occultes de lâau-delĂ . Câest ce qui explique la prĂ©sence de Balla et de TiĂ©coura Ă cĂŽtĂ© des pieux Diamourou et Fama. La synthĂšse est quand bien mĂȘme rĂ©alisĂ©e par Fama.
5. Lâexcision
LâĂ©preuve dĂ©licate et douloureuse est Ă la base de toutes les souffrances de Salimata. Dans sa description, le narrateur relate Ă la fois les questions, les significations, lâatmosphĂšre et la personnalitĂ© de celle qui opĂšre sans oublier les chants traditionnels et les lamentations des exciseuses.
6. Les indépendances
Le roman dit la dĂ©ception des malinkĂ©s qui se retrouvent par des prestiges politiques perdues Ă cause de la colonisation. Câest ainsi lâapparition dâune nouvelle classe politique qui rejette la classe politique traditionnelle, câest le rĂ©gime des fils esclaves.
7. La bĂątardise
LâidĂ©e de bĂątardise parcourt tout le roman, on la retrouve dans le dĂ©lire final de Fama comme derniĂšre insulte. Elle prend cette signification variĂ©e qui se ramĂšne Ă lâidĂ©e dâauthenticitĂ© et de lĂ©gitimitĂ© que Fama porte en lui. Dâailleurs, selon son aigri (mĂ©content) qui ne comprend pas que les choses soient finies et quâelles ne reviendront plus.
IV Le Style
En pliant la langue française aux exigences de la pensĂ©e et des structures linguistiques des MalinkĂ©s, Kourouma a donnĂ© Ă son rĂ©cit une vigueur et un relief saisissant. Tandis que les uns criaient au scandale, dâautres Ă©taient sĂ©duits par lâoriginalitĂ© de lâauteur. DĂšs lors, il devient adĂ©quat de comparer le rĂ©cit dans lâunivers malinkĂ© : « Je nâarrivai pas Ă exprimer Fama de lâintĂ©rieur et câest alors que jâai essayĂ© de le trouver dans le style malinkĂ©. Je rĂ©flĂ©chissais en MalinkĂ©, je me mettais dans la peau de Fama pour prĂ©senter la chose », dit Ahmadou Kourouma.
En effet, lâauteur a volontairement tordu le cou Ă la langue française pour mieux ressortir ses idĂ©es. Câest ce qui explique la prĂ©dominance dâexpressions typiquement malinkĂ© dans lâĆuvre. Et le nombre de mĂ©taphore, dâimages et formules purement malinkĂ©s confĂšrent au roman sa couleur locale et son originalitĂ©.
V. Signification de lâĆuvre
Les Soleils des indĂ©pendances connote la dĂ©chĂ©ance physique et morale, la misĂšre, voire les dĂ©ceptions nĂ©es des indĂ©pendances. Ce nouveau monde annoncĂ© comme pĂ©riode de libĂ©ration et de faste apparaĂźt comme la nĂ©gation dâun univers authentique, traditionnel. Cette Ćuvre symbolise la dĂ©sillusion dĂ©coulant de lâautonomie. Plus encore, le roman devient un violent rĂ©quisitoire, un procĂšs contre les indĂ©pendances.
Conclusion
Dans ce roman, aux allures tragiques (sâouvrant sur une scĂšne de funĂ©railles et clĂŽt par la disparition du hĂ©ros), on pourra lire lâimage dâune Afrique meurtris, fantĂŽme marquĂ©e par une pĂ©riode de transition qui fut pour beaucoup une Ă©poque de dĂ©ception. LâAfrique y est peinte sous les traits dâune rĂ©sistante aux agressions de la dictature, avec de graves dĂ©sordres engendrĂ©s par lâĂ©poque des indĂ©pendances. Mais le sort est loin dâĂȘtre jetĂ©. Et comme Salimata qui refuse la rĂ©signation, lâAfrique doit relever le dĂ©fi dâune rĂ©elle indĂ©pendance.